#3 Vers une socialisation ?

Aujourd’hui, des études tendent vers la possibilité d’une «socialisation » homme-chien par le biais d’une véritable communication et d’un appel au travail associé.
Dans cet article, je présenterai un résumé de résultats issus d’études scientifiques publiées en 2017 et en 2003 dans les revues Nature (scientific reports) et Current biology.
Pour mieux comprendre ce qui va suivre, je vais d’abord vous présenter brièvement comment fonctionne une étude scientifique.
 
Une étude scientifique est basée sur l’observation d’un groupe par rapport à un autre. Ce groupe référence est appelé le groupe témoin. Les autres groupes sont ceux avec une caractéristique que l’on chercher à étudier, ils sont les groupes « avec une caractéristique ». Le groupe témoin est choisi pour être le plus neutre possible vis-à-vis du caractère que l’on souhaite étudier. Ici, le groupe témoin est un groupe de loups familiarisés à l’homme. Les loups sont nés en captivité et sont élevés par l’homme. On sait que ces loups ne peuvent s’adapter comme les chiens à la vie de domestique tel qu’elle est actuellement pour nos amis toutous. Ce groupe représente le groupe « origine du chien » mais sans relation particulière avec l’homme [origine du chien est un raccourci car ça n’est pas exactement cela, on pourrait plutôt dire que le loup et le chien ont un ancêtre commun, car le loup d’aujourd’hui est bien différent de celui d’il y a 100 000 ans].
Dans cette étude, on cherche à comprendre la relation du chien et de l’homme spécifiquement. Si un loup pouvait établir la même relation avec un homme, alors le chien et le loup ne seraient pas différents. Hors, on sait que cette différence existe et on cherche à la caractériser. C’est pour cela que le groupe témoin est un groupe de loup familiarisés. Un groupe de loups sauvages ne pourrait pas constituer un bon groupe de référence, car celui-ci n’interagissant jamais avec l’homme, il serait plutôt représentatif du groupe « loup n’ayant pas de relation à l’homme ».
Je vous l’accorde tout ceci paraît un peu compliqué. Pour faire un résumé simple, on cherche ce qui différencie le chien du loup dans sa relation avec l’homme, on va donc comparer la façon dont le loup familiarisé et le chien réagissent dans une situation donnée pour voir à quel niveau se situe la différence.
Dans ces deux études, les chercheurs ont utilisés plusieurs groupes : un groupe de loups familiarisés à l’humain (groupe témoin), des chiens de famille (chiens très familiarisés à l’humain), des chiens de rue (chiens à priori peu familiarisés à l’humain) et des chiens élevés en même temps que les loups, ensemble et avec les même humains et de la même manière (chiens relativement familiarisés à l’humain).
L’étude porte sur la tendance des chiens à porter leur regard vers l’humain lors de situations impossibles à résoudre. J’utilise ici le terme ‘humain’ car la notion de « maître » n’est valable que pour l’humain, le chien n’a pas cette notion, la relation est inter-spécifique, il n’y a pas de relation de subordonnée entre chien et homme, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de dominance ou de dominé comme expliqué dans l’article précédent.
Deux paramètres furent testés : le regard (l’animal se retourne vers l’humain) et la persistance de résolution du problème. La première phase de l’expérience consiste en une période d’entraînement. Cette période d’entraînement est nécessaire pour que l’animal apprenne par lui-même qu’une action entraîne la conséquence « je trouve une récompense ».
Ces entraînements consistent soit à ouvrir une boîte pour obtenir le morceau de viande contenu à l’intérieur soit à tirer sur une corde pour obtenir de la viande. Le succès dans ces expériences est équivalent chez les différents groupes, bien que le groupe de loups familiarisés réussissent plus rapidement les différents exercices. Après cette phase d’apprentissage, les exercices deviennent impossibles, les boîtes sont scellées, les animaux ne peuvent plus avoir accès à la récompense.
Après ces tests, les scientifiques constatent que deux choses ressortent des résultats obtenus:
1. Les groupes chiens de familles, chiens de rue et chiens élevés avec les loups vont très rapidement regarder vers l’humain sans grande persistance dans la recherche d’une solution.
2. Les loups vont plutôt persister dans la tentative de résolution du problème, seuls deux loups (sur 11) vont, au bout d’un certain temps, jeter un bref regard vers l’humain qui ne durera qu’un instant.
Les chercheurs ont pu conclure de ces expériences que : le chien se reporte très vite sur l’humain et a une faible persistance face à la résolution d’un problème. Les loups ont une plus grande persistance dans la résolution du problème et ne se retournent que brièvement (si ils se retournent).
La perception de la difficulté d’une tâche semble donc différente entre chiens et loups, les loups étant plus tenaces à résoudre des problèmes.
De plus, le chien se retourne rapidement vers l’humain. Les scientifiques en déduisent que le chien tente de communiquer avec l’humain par le regard et demande une aide à la résolution du problème. Cette dernière interprétation demande néanmoins des études plus approfondies, car bien évidemment cela reste une interprétation.
Cette étude illustre donc que le chien prend en compte l’action humaine dans son environnement et la possibilité que l’humain agisse pour son bénéfice contrairement au loup et ce en « demandant » de l’aide à l’humain. Cette expérience montre qu’une relation “sociale” est peut-être en train de s’établir entre homme et chien en raison de la mise en place d’une véritable communication entre chien et humain.
L’étude de 2003 avait aussi mis en lumière le fait que les chiens comprennent très bien les indications humaines (interprétation de la gestuelle, de la position du corps, de l’orientation du regard de l’humain) et ce à distance de l’objet, contrairement au loup qui ne réussit que lorsque les indications sont de proximités voire de désignation directe.
Donc finalement, les chiens sont familiarisés à l’humain, mais nous sommes peut-être en train de développer une véritable relation sociale avec nos amis canidés ! (on pourra alors vraiment parler du ‘meilleur ami de l’homme’ !).
Conseils Toutous
Références :
Miklosi et al., Current Biology Vol. 13, 763-766, April 29, 2003
Marshall-Pescini et al., Nature Scientific reports 7, 46636 ; DOI 10.1038/srep46636 (2017)