#26 MDR1, Multi-Drug Resistance 1 ou une histoire de gènes et d’antiparasitaire- Partie 2

Nous avons abordé dans la première partie de cet article (#25) l’existence de la mutation del 4 sur le gène MDR1. Ce gène est impliqué dans la sensibilité aux drogues et médicaments. Nous allons explorer un peu plus loin dans cette deuxième et dernière partie l’implication de cette mutation pour nos chers 4 pattes.

Le gène MDR1 est divisé en 27 parties que l’on appelle codantes, c’est-à-dire que c’est un peu comme 27 étapes de cuisine pour réussir son soufflé. La partie codante d’un gène est celle qui va être traduite en ARNm puis en protéine. Les parties non codantes ne donnent pas de protéines, mais sont plutôt des séquences régulatrices. Elles ont leur importances, mais nous n’en parlerons pas ici.

Cette mutation del4 s’appelle ainsi car dans la 4éme partie codante du gène, soit la 4eme étape de la recette de production de la protéine, et bien, il y a ce que l’on appelle une délétion.

Cela veut dire que l’on a fait disparaître un bout du paragraphe de notre recette de protéine.

Alors parfois faire disparaître un bout de paragraphe dans un gène n’est pas grave, cela n’a pas de conséquence. Cependant, dans ce cas, est bien le morceau manquant faire apparaître ce que l’on appelle un codon stop dans la recette de notre protéine. Cela veut dire qu’à la 4éme étape de votre recette, où vous avez mis la farine et les œufs et obtenu une pâte lisse, et bien on vous dit que le soufflé est terminé.

Je sais pas vous, mais personnellement je ne suis pas très fan de mélange farine œuf….

Ainsi, la conséquence est importante. Car cela veut dire que la protéine codé par ce gène est donc largement incomplète, car la production de la protéine s’arrête à la 4éme étape.

On a donc une protéine qui n’est pas fonctionnelle et qui ne peut faire son travail de tri.

Revenons à nos barrières cellulaires. Il s’avère que la protéine codée par le gène MDR1 est ce que l’on appelle une glyco-protéine transporteuse (P-gp), spécialisée notamment dans le transport des drogues et toxique (mutidrug carrier P-glycoprotein en anglais). C’est une protéine membranaire qui, de façon simplifié, filtre ce qui entre dans la cellule, un peu comme notre videur de boîte de nuit cité précédemment.

Le problème, c’est donc que lorsque le chien est porteur de cette mutation, qu’il soit porteur de deux allèles mutés ou un seul, et bien celui-ci devient très sensible ou moyennement sensibles aux drogues.

Le fait que le chien soit porteur de deux allèles mutés implique donc que la protéine P-gp est altérée. Celui ci va être catégorisé comme MDR1(-/-), le (-/-) représentant le couple d’allèles du gène. Pour MDR1 (+/-) cela signifie que notre toutou est porteur d’un seul allèle muté, ainsi, une partie de ses protéines seront fonctionnelles. Cependant, cela le laisse tout de même avec un niveau de sensibilité plus élevé que des chiens porteurs du gène complet.

C’est donc un peu comme si vous n’aviez plus de videur à l’entrée de la boite. Il n’y a plus personne pour filtrer, ou vous avez un videur, mais avec des béquilles.

D’accord, mais qu’en est-il donc de nos anti-parasitaires ?

Et c’est là que les ennuis arrivent. Cette fameuse protéine P-gp permet certes d’empêcher les molécules des familles antiparasitaires comme l’ivermectine, mais pas seulement. Elle filtre aussi les drogues anti-cancéreuses, les immunosuppresseurs,les agents anti-microbiens, les drogues qui agissent sur le cœur, les opioïdes, les hormones stéroïdes et bien d’autres. Cette protéine agit donc comme un nettoyeur de membrane et empêchent les molécules toxiques de rentrer dans la cellule.

Cela veut dire que, lorsque vous avez un chien qui est porteur de la mutation sur ses deux gènes (MDR1(-/-)), il est donc sensible aux drogues, car il ne peut pas empêcher ces molécules d’aller là où elles ne devraient pas aller.

Et le plus gros problème, au-delà de l’intoxication du foie et des reins, c’est que les molécules passent alors la barrière hémato-encéphalique et votre antiparasitaire destiné à protéger votre toutou rentre dans son cerveau.

Et là, les ennuis s’intensifient. L’ivermectine est une molécule de la famille des lactones macrocycliques. Ce sont des toxines qui pénètrent le système nerveux des parasites et vont induire la mort de ce dernier par action sur son système nerveux. Ces produits vont inhiber l’activité nerveuse, provoquer une paralysie de l’individu et induire son décès. Le problème, c’est que les éléments sur lesquelles agissent ces molécules existent dans le cerveau du chien mais sont normalement protégés par la BHE.

Sauf qu’en raison de la mutation MDR1(-/-), le cerveau n’est plus protégé. C’est pour cette raison que les antiparasitaires sont extrêmement dangereux s’ils sont utilisés sans précaution et sans suivi vétérinaire strict sur les chiens porteurs de cette sensibilité. Et le pronostic n’est pas bon si notre petit toutou est traité alors qu’il présente une sensibilité, qu’il soit homozygote ou hétérozygote. De plus, la prudence est de mise, car au-delà de la mutation del4, il existe ce que l’on appelle des polymorphismes du gène. Cela veut dire que le gène existe, mais avec des recettes différentes, qui font que la protéine de filtrage est plus ou moins efficace. Actuellement une trentaine de versions du gène ont été identifiées comme affectant la fonction de cette protéine de transport.

En résume, cela veut dire que, lorsque votre petit toutou fait partie des races à risques ou croisé avec race à risques (et même sans) il est toujours important de consulter son vétérinaire avant de traiter son chien, car ces produits ne sont pas sans conséquences. Il faut donc être prudent avec nos petits poilus, car en voulant les protéger, on peut parfois faire plus de mal que de bien.

Conseils Toutous

Bibliographie :

Tappin et al. ,Frequency of the mutant MDR1 allele in dogs in the UK, Veterinay Record 2012 Short communication

Geyer J. et Janko C., Treatment or MDR1 Mutant Dogs with Macrocyclic Lactones. Current Pharmaceutical Biotechnology, 2012, 13, 969-986.