Aujourd’hui, on s’intéresse de plus en plus aux rôles des hormones et des neurotransmetteurs, notamment dans un cadre thérapeutique bien souvent.
Cependant il n’est pas rare de lire que l’un fait si, l’autre fait cela.
Bien qu’il soit fondé de dire qu’une hormone ou un neurotransmetteur soit important dans certains processus, les réduire à une seule fonction bien précise est souvent incorrect.
En réalité, ce n’est pas tellement la molécule en soi qui compte, mais plutôt où elle agit et dans quelle situation.
Je vous donne un exemple :
Imaginez que vous fassiez l’objet d’observation d’une population d’extraterrestres qui cherche à comprendre à quoi servent les humains.
Vous êtes un humain et vous préparez un plat de pâtes. Pour eux, vous êtes donc un ‘humain qui cuisine des pâtes’.
Le lendemain, dans cette même cuisine, vous préparez une poule au blanc. Vous êtes alors un ‘humain qui cuisine de la poule au blanc’.
Vos observateurs en concluront que votre rôle est de faire à manger.
Un peu plus tard, vous travaillez sur votre ordinateur, vous devenez une interface entre la chaise et le clavier (o_O).
Vos observateurs ne comprennent pas cette tâche, et vont la mettre de coté d’ici qu’ils comprennent mieux ce que cela implique.
Puis, vous allez vous occuper de votre potager.
Vos observateurs en concluent que non seulement vous préparez à manger, mais vous faites aussi pousser la matière première.
Ne comprenant pas ce que vous faites devant votre ordinateur, ils vont vous qualifier d’humain nourrisseur.
Quelques années plus tard, à force d’observation, ils vont comprendre ce que vous faisiez devant votre ordinateur, et cela deviendra une révélation dans le monde extra-terrestre car finalement, les humains ne font pas que préparer à manger ni faire pousser des légumes.
Ainsi, selon les outils avec lesquels vous interagissez (casserole, pelle, ordinateur) et la situation où vous vous trouvez, vous êtes toujours le même humain, cependant, selon le contexte et l’endroit, vous ne faites pas les mêmes choses.
Eh bien, concernant les hormones, les neurotransmetteurs, et les messagers chimiques en règle générale (car sinon, la liste est très longue), c’est la même chose.
Nous découvrons chaque jours que ces molécules n’ont finalement pas toujours le même rôle selon l’endroit et ce n’est pas tellement une question de quantité non plus (même si cela joue ) mais plutôt une question de timing.
Prenons un exemple :
Si l’on vous dit : l’ocytocine, c’est l’hormone de l’attachement.
Ce n’est pas faux, mais ce serait voir de façon bien trop simpliste son rôle et poser une étiquette un peu trop vite.
Par exemple, chez les souris (et potentiellement les mammifères, quoique cela peut différer selon les espèces), des chercheurs ont observé que chez les femelles, l’activation par l’ocytocine d’inter-neurones spécifiques dans le cortex préfrontal médian favorisait les comportements prosociaux, tandis que chez les mâles, la même activation conduisait à de l’anxiété.
Ah bon ?
Eh oui, selon le sexe de l’animal, on peut avoir un effet différent au niveau central (cerveau).
Pour aller plus loin dans la compréhension moléculaire et en voulant étudier le stress social à la fois chez le mâle et la femelle, les chercheurs ont dû trouver une espèce où le stress social était possible chez la femelle.
En effet, il s’avère que chez notre chère Mus musculus (souris grise), il est très difficile de réussir à faire du stress social. Ces souris sont visiblement très cool entre elles. Ils ont donc choisi une autre espèce de souris, les souris californiennes (Peromyscus califonicus),
Dans leur expérience, ils ont constaté que selon la situation, l’ocytocine peut promouvoir des comportements sociaux mais peut aussi induire des comportements anti-sociaux selon le contexte.
Par exemple : chez les souris femelles non stressée, l’administration intranasal d’ocytocine diminuent les interactions sociales, mimant les effets d’un stress social. A l’inverse, chez le mâle exposé à un stress social, une injection par voie sanguine (infusion systémique) va augmenter les interactions sociales de ce dernier.
Ainsi, selon la situation et l’état de l’individu, son sexe et son espèce, l’effet peut être variable.
Des résultats similaires ont été obtenu chez l’humain, une dose intranasale d’ocytocine augmente la détresse et la colère chez les femmes mais réduit la détresse chez les hommes ayant été exposé à un stress social.
Mais alors, qu’en est-il de ce qui avait été démontré ?
Cela reste vrai. Les chercheurs ont tout de même pu arriver à une conclusion pour accorder les découvertes précédentes avec ces nouvelles données. Ils suggèrent que l’ocytocine agirait comme un renforçateur de signaux sociaux, mais ne serait pas associée à un aspect pro-social spécifique, comme on pouvait le penser jusqu’ici.
Ainsi, ce petit exemple nous montre donc que :
1. Chaque molécule, selon son site d’action, possède différents effets à l’échelle de l’individu.
2. Une même molécule, selon le sexe de l’individu, peut avoir un effet différent, mais aussi selon l’espèce et la race. Une étude menée sur l’effet de l’ocytocine sur la sociabilité des huskys et des border collies envers l’humain durant des tâches spécifiques révèlent que non seulement les races présentent des différences de réponses comportementales, mais aussi selon le sexe. Ils concluent de leurs résultats qu’il est important de ne pas généraliser l’effet de l’ocytocine chez le chien et de prendre en compte la variabilité entre race, mais aussi entre individu selon les polymorphismes* de ces derniers (notamment au niveau du récepteur à l’ocytocine) et leur sexe.
*Polymorphisme : Forme différente que peut prendre un même gène.
3. Ce n’est pas une question de quantité, mais de qualité.
Ainsi, soyons vigilants dans nos approches. Aujourd’hui, la découverte de ces différences et notamment concernant la différence entre mâle et femelle dans le cadre du stress et de l’anxiété par exemple, doit nous interpeller sur l’importance de travailler au cas par cas et d’éviter les généralisations qui nous malmèneraient dans notre interprétation du problème.
Il est important de prendre en compte les constats fait jusqu’ici. En effet, l’ocytocine est bien impliquée dans l’attachement, cependant, l’étiquette ‘attachement’ est erronée, comme nous l’avons vu précédemment, car l’ocytocine, comme de nombreuses molécules, a finalement plusieurs visages.
Bibliographie:
Kovács K, Kis A, Pogány Á, Koller D, Topál J. Differential effects of oxytocin on social sensitivity in two distinct breeds of dogs (Canis familiaris). Psychoneuroendocrinology. 2016 Dec;74:212-220.
Olivera-Pasilio V and Dabrowska J ,(2020) Oxytocin Promotes Accurate Fear Discrimination and Adaptive Defensive Behaviors.Front. Neurosci. 14:583878.
Bangasser DA, Cuarenta A. Sex differences in anxiety and depression: circuits and mechanisms. Nat Rev Neurosci. 2021 Nov;22(11):674-684.
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