12# L’alimentation chez le chien – à l’origine de la domestication- Partie 1

Actuellement, on voit tout et son contraire en terme d’alimentation pour chien : céréales, pas céréales, légumes, pas légumes, fruits, barf ou non, raw, ou encore même une alimentation végétarienne ou végan (dénuée de toutes sources de protéines animales) pour chiens et chats. Face à l’émergence de tous ces régimes et de toutes ces nouvelles croquettes prétendument meilleures les unes que les autres, comment faire pour donner ce qu’il y a de mieux pour nos amis canidés ? Et surtout les garder en bonne santé ? Ce n’est pas gagné….

L’objectif de cette série d’articles ne consistera pas à faire l’apologie de tel ou tel régime alimentaire, mais plutôt de comprendre comment fonctionne le système digestif de nos toutous et de quoi ils ont besoin pour être en bonne santé. Pour cela, il va falloir remonter un peu dans le temps.

L’origine de la domestication du chien est située entre 40 000 et 11 000 ans avant notre ère moderne. Les premiers chiens auraient été domestiqués en Eurasie. Comme on le sait, le chien descend du loup ou du moins de ce que l’on appelle un ancêtre commun entre le chien et le loup.

A cette période, le chien a un statut de carnivore et charognard. Pour comprendre le processus de domestication, les chercheurs se sont intéressés aux divergences génétiques entre chien et loup. Pour cela, ils ont ciblé deux catégories de gènes : d’une part, les gènes impliqués dans le développement du système nerveux (le sujet ne sera pas développé ici) et d’autre part les gènes impliqués dans la digestion et le métabolisme des acides gras. Ceci implique que la domestication s’est accompagnée d’un changement de régime alimentaire.

Dans un article publié dans la revue Heredity, les chercheurs se sont intéressés à l’évolution des gènes de l’amylase pancréatique chez le chien. Concernant l’amylase salivaire, elle semble avoir été identifiée dans la salive de chiens, mais en quantité tellement faible que son action en termes de digestion peut, à l’heure actuelle, être considérée comme négligeable.

Les chercheurs se sont intéressés dans cette étude à l’amylase pancréatique, codée par le gène AMY2B.  D’une part, les chercheurs ont observé que la présence de copies de ce gène AMY2B chez certains chiens ou race de chiens est corrélée aux zones d’apparition de l’agriculture. D’autre part, la consommation d’amidon, qui est la source d’énergie fournies par les céréales et plantes et qui est constitué d’une une longue chaîne de glucoses, serait liée à l’expansion de l’agriculture et non directement liée à la domestication elle-même.

Je m’explique : l’inclusion de céréales dans le régime alimentaire de nos canidés vient de la domestication et de la région de domestication, c’est-à-dire lié au rapprochement du chien vers l’humain. En effet, la digestion de l’amidon par l’amylase n’est possible que si celui-ci est gélatinisé au préalable par la cuisson. On imagine mal nos petits toutous se préparer un petit porridge en pleine nature. Cela signifie donc que l’apparition des céréales dans l’alimentation du chien est en quelque sorte « artificielle », c’est-à-dire que, suite à la domestication et avec l’apparition de l’agriculture, l’humain a augmenté sa consommation d’amidon et son fidèle toutou a mangé ce qu’on a bien voulu lui donner. Mais, une fois de plus, cela dépend.

En effet, la présence du gène AMY2B et son nombre de copies au sein du génome (du patrimoine génétique) est variable et implique une tolérance de l’amidon dans l’alimentation qui va être différente selon les races de chien. Pour faire simple, les chiens de types primitif (ou des régions nordiques) présentent moins de copies de ce gène par rapport aux chiens qui ont pour origine des régions étant le berceau de l’agriculture ou zone d’agriculture. Par exemple : Les huskys inclus dans l’étude présentent moins de 3 copies du gène tandis que les spaniels anglais vont présenter entre 12 et 20 copies. A l’échelle génétique, cette différence est importante et les conséquences fonctionnelles sont de tailles. Cependant, il est important de souligner que la présence du gène AMY2B ne signifie pas nécessairement qu’il s’exprime, donc qu’il est fonctionnel. D’autre part, ce n’est pas parce que le chien peut dégrader de l’amidon qu’il est armé pour ne consommer que ça.

Il en va exactement de même pour l’humain. Le nombre de copies des gènes de l’amylase (pancréatique et salivaire) ne sont pas les même selon les populations et les personnes. Certains toléreront bien l’amidon, d’autres absolument pas. C’est la loi du « ça dépend ». D’autant plus que l’expression de l’amylase dépend aussi de l’environnement et de l’état de stress de l’individu. C’est donc beaucoup plus complexe que d’aller directement à la conclusion du type : il a les gènes, il peut manger que ça. Cela serait une mauvaise interprétation de penser ainsi. Nous avons presque tous la capacité de digérer un fast-food, mais ce ne serait pas bon pour notre santé de ne manger que ça.

Pour revenir à nos canidés, ce que nous apprend cette étude, c’est que c’est la domestication qui a amené le chien à consommer des céréales. Ces résultats soulèvent une question d’importance : les chiens n’ont donc pas présenté une tendance naturelle à consommer de l’amidon, mais ont été en quelque sorte poussés à la consommation.

Malgré leur copies d’amylase, les chiens restent tout de même des carnivores, mais à tendance omnivore. Ca n’est pas encore pour aujourd’hui que nous aurons des chiens qui mangeront seulement des légumes et des céréales et seront en bonne santé. Nous avons vu que l’expression des gènes dépend des régions et donc de l’accès aux ressources. Ainsi, au même titre que l’humain, le chien s’est adapté aux possibilités nutritives, accès à moins de viande en raison de partage de ressources avec l’humain et une compensation par les restes par exemple. Cependant, dans les pays nordiques où les céréales ont la vie dure, la, les restes devaient être principalement de la viande si l’on se repose sur la disponibilité des ressources.

Ce premier article est destiné à explorer l’origine de l’omnivorisme du chien (concernant la consommation de céréales). Le chien est un carnivore à tendance omnivore, mais encore une fois, selon la loi du « ca dépend ».

Dans l’article suivant, nous nous intéresserons notamment au système digestif et aux nutriments apportés par la viande (iode, zinc, fer, vitamine B12, vitamine A, etc) et de la biodisponibilité par rapport aux capacités d’absorptions. Nous verrons aussi l’importance des acides aminés soufrés, retrouvés majoritairement dans la viande, et leur nécessité pour un fonctionnement du système immunitaire. Puis nous aborderons l’impact sur la santé et les processus inflammatoires liés à l’alimentation et les risques pour le chien d’être sous-alimenté en viande  ou protéines animales.

A suivre.

  1. M.D. Contreras-Aguilar et al. Detection and measurement of alpha-amylase in canine saliva and changes after an experimentally induced sympathetic activation. BMC Vet Res. 2017; 13: 266.
  2. Arendt et al., Diet adaptation in dog reflects spread of prehistoric agriculture. Heredity (2016) 117, 301-306
  3. Reiter et al.Dietary variation and evolution of gene copy number among dog breed. PlosOne 11(2) e0148899.

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