#37 Quand la dermatite atopique chronique ne relève pas que de l’allopathie.

La dermatite atopique canine est une affection allergique de la peau commune chez le chien causant des démangeaisons sur le long terme. Elle est l’équivalent de l’eczéma chez l’humain.

La qualité de vie des chiens atteints de DAC (Dermatite atopique chronique) est généralement affectée.

Chez l’humain, l’eczéma peut représenter un fardeau psychologique augmentant le stress de l’individu et pouvant ainsi affecter la santé mental de ce dernier. Ceci n’est pas restreint à l’eczéma, de plus en plus de travaux mettent en évidence l’impact des affections du derme en règle générale sur le mental et inversement.

Des études, notamment sur les modèles de rongeurs (souris et rats), montrent en effet que le stress émotionnel peut induire une altération fonctionnel du derme. D’autres études ont par la suite révélé le même phénomène chez l’humain.

Cette vulnérabilité physique chez l’humain, concernant les problèmes de peaux, peut aussi induire un biais cognitif. En effet, les individus sont plutôt pessimistes dans l’interprétation de leur environnement. De façon chronique, les problèmes de peaux peuvent donc jouer sur le développement de troubles de l’anxiété.

Qu’en est-il de nos poilus?

Dans une étude parue en 2019 dans la revue Animals, les auteurs se sont intéressés à l’impact de la DAC sur le comportement des chiens atteints de cette pathologie. Ils ont cherché à connaître l’impact des DAC sur le comportement du chien, et, comme pour l’œuf et la poule, s’il y’avait un lien de causalité entre stress et dermatite et inversement.

L’hypothèse de ce travail reposait sur deux questions : Est ce que les problèmes de peaux chroniques pouvaient avoir un impact sur le niveau de stress des chiens, et est-ce que le stress pouvaient induire des problèmes de peau chez les chiens.

Plus précisément, l’étude s’est basée sur deux types de questions :

_des questions basées sur les interactions :peur ou agression dirigée vers les étrangers, le propriétaire, les chiens, les nouveaux objets, sensibilité tactile, motivation du chien à effectuer ce qui est demandé, comportement de poursuite, excitabilité, niveau d’énergie etc.

_des questions sur des comportements divers : fuite, machouillage, chevauchements, vol de nourriture, poursuite de la queue, poursuite d’ombre/mouche, aboiements continus, léchage (toilette excessive ou d’objet/individu), etc.

Un questionnaire a donc été donné aux participants, ayant des chiens contrôles (sans pathologie identifiée) et des chiens atteints de dermatites atopiques chroniques (DAC).

Après analyse, deux choses ont été mises en évidence :

D’une part, le stress ne semble apparemment pas être l’initiateur des problèmes de peaux. Cependant, il reste important de ne pas écarter la possibilité que ce dernier soit un carburant non négligeable dans le développement d’un problème de peau qui aurait été plutôt bénin, si celui-ci n’avait pas été accompagné de stress.

D’autres part, il en a été conclu que les DAC représentent une forme de stress chronique de bas niveau, et qui, au fil du temps, peut très vite devenir un élément problématique et avoir un impact important sur le comportement des chiens et leur qualité de vie.

Les comportements observés :

Dans les comportements les plus marqués, le chevauchement, les difficultés à se poser tranquillement, le léchage compulsif des personnes et des objets et des comportements spécifiques répétitifs (non défini spécifiquement dans l’étude) ont été rapportés majoritairement par les propriétaires de chiens DAC.

Ces chiens présentaient aussi une diminution des capacités d’apprentissage, une recherche d’attention plus importante, des pleurs suppliants, du sur-toilettage ainsi qu’une tendance à tirer sur la laisse plus importante.

Il en résulte donc que les problèmes de peau de type DAC (dermatites atopiques chroniques) provoquent un stress chez le chien pouvant induire des altérations du comportement.

Le problème réside aussi dans la production de comportements répétitifs (stéréotypies, compulsions etc). Les chiens DAC ont ainsi une large tendance à produire des comportements de ce type, illustrant ainsi un problème d’anxiété de fond.

Cette étude révèle donc que les dermatites atopiques chroniques chez le chien peuvent conduire, in fine, au développement de troubles obsessionnels compulsifs (sur-toilettage compulsif, Pica, chasse à la mouche et aux ombres, hallucination, faire des tours sur eux même) .

Le problème qui se rajoute à cela est que, si le stress s’installe suite aux problèmes de peaux, malgré l’éviction de l’aliment ou le produit allergène, le chien peut conserver des problèmes de peaux chroniques. La raison est que le niveau de stress induit initialement allonge la période de traitement afin de retrouver une peau normale.

Une importante problématique des DAC est donc l’altération de la qualité de vie, mais aussi de la qualité de relation à l’humain

Ainsi, il est très important de ne pas considérer un problème de peau seul chez un chien commençant à présenter des altérations du comportement. Cette étude propose qu’il serait intéressant , lors de la prise en charge vétérinaire du problème de peau, de considérer l’option d’un accompagnement de gestion de l’environnement en faisant appel à un professionnel du comportement.

Seule, une approche allopathique pourrait échouer dans la gestion d’un problème de peau, il est donc important de considérer le bien être psychologique de l’animal et d’accompagner les propriétaires dans l’aménagement de l’environnement afin de travailler en parallèle sur le bien être psychique du chien.

De plus, les traitements proposés (anti-histaminiques, glucocorticoïdes) peuvent eux aussi, avoir des effets sur le comportement.

Les anti-histaminiques ont une tendance à produire un effet sédatif, c’est à dire à endormir l’animal, et de plus, il a été montré, chez l’humain, que ces produits pouvaient altérer les capacités d’apprentissage et de prise de décision. Les glucocorticoïdes ont, eux, une tendance à rendre l’individu plus sensible à son environnement.

Tout ces problèmes, comportementaux induits par les problèmes de peaux et éventuellement induits par les traitements, doivent être pris en compte par les propriétaires de chiens.

Si leur chien vient à changer petit à petit de comportement et semble plus anxieux, ou si la qualité de la relation humain chien vient à se dégrader, il est important de savoir que, seul, le traitement de la DAC ne pourra apporter une solution à tous ces problèmes.

Le chien et ses propriétaires devront aussi être accompagnés dans leur quotidien afin d’optimiser la guérison . Cet aspect n’est pas encore répandu dans les cabinets vétérinaires et devraient être considéré plus sérieusement à l’avenir dans le cadre de la prise en charge des chiens par un tandem vétérinaire/éducateur/comportementaliste afin d’aider les propriétaires sur tous les fronts, aussi bien celui de la santé physique que mentale.

Bibliographie :

Harvey.N.D et al , Behavioural Differences in Dogs with Atopic Dertmatitis Suggest Stress Could Be a Significant Problem Associated with Chronic Pruritus. Animals, 2019, 9, 813.